
Réutiliser la chaleur des data centers reste l’un des grands défis énergétiques de notre secteur. Aujourd’hui, moins de 10 % de cette chaleur produite par les serveurs est valorisée. La majorité se perd, faute de débouchés adaptés : nos infrastructures étant souvent éloignées des centres urbains, les réseaux de chaleur existants sont rares, et les besoins thermiques des bâtiments modernes ne cessent de décroître. Ce constat pose une question simple : comment faire de cette énergie un levier vertueux, plutôt qu’un gâchis permanent ?
C’est pour y répondre que nous avons lancé, en partenariat avec la Fondation de l’Université Paris-Saclay, un projet inédit sur notre campus de Marcoussis (Essonne) : le premier démonstrateur de data center bio-circulaire. L’objectif ? Réutiliser la chaleur excédentaire des serveurs non pas pour chauffer des bâtiments et des bureaux, mais pour stimuler la croissance de microalgues. Une solution innovante, durable, et potentiellement réplicable à grande échelle.
Une innovation concrète en fonctionnement depuis mai 2025
Depuis le 26 avril dernier, un module de culture d’algues de type Chlorella, développé par la startup autrichienne Blue Planet Ecosystems, est installé en toiture de notre data center DC10. Ce système, baptisé LARA, est un prototype fonctionnel qui exploite la chaleur dégagée des serveurs – entre 26 et 30 °C – pour créer un environnement de croissance idéal.
Le module fonctionne en circuit fermé et de manière autonome. Cette solution s’appuie sur des bases scientifiques solides. Dans le cadre de la chaire ABIOMAS, portée par la Fondation Paris-Saclay, une étude de faisabilité a démontré que la capacité de captation carbone de ces algues pouvait être jusqu’à vingt fois supérieure à celle d’un arbre, à surface équivalente. Une avancée qui ouvre la voie à une nouvelle forme de valorisation de la chaleur, totalement intégrée à notre écosystème local.
Vers une industrialisation du modèle bio-circulaire
Mais ce projet va plus loin qu’un simple démonstrateur. D’ici à 2027, nous prévoyons de développer un module industrialisable, conçu pour être installé en façade et ainsi coloniser les surfaces non exploitées par les équipements techniques des data centers. Ce passage à l’échelle permettrait d’envisager jusqu’à 900 m² de surface de culture par data center, avec une production estimée à 20 kilos d’algues par jour. À terme, ce dispositif pourrait être déployé sur de nombreux sites, en zone industrielle ou rurale, là où les réseaux de chaleur traditionnels ne sont pas viables, mais aussi en ville. Et à l’échelle de la France qui compte environ 300 data centers, ce système permettrait de produire 1 800 tonnes d’algues chaque année et de capturer plus de 13 tonnes de CO2 par an (36kg/jour).
Les microalgues produites présentent de multiples débouchés : alimentation animale, biocarburants, cosmétiques, nutraceutiques ou encore production énergétique par méthanisation. C’est un exemple concret d’écologie industrielle territoriale, où les flux d’énergie d’une infrastructure numérique alimentent directement des usages durables, tout en créant de la valeur pour le territoire en créant notamment des emplois au travers de nouvelles filières locales.
Une ambition européenne pour des data centers plus durables
Ce projet bénéficie du soutien de partenaires académiques et institutionnels de premier plan tels que l’INRAE, CentraleSupélec ou encore AgroParisTech et sera officiellement inauguré le 20 mai prochain, en présence du Net Zero Innovation Hub, que nous avons cofondé aux côtés d’acteurs majeurs comme Microsoft, Google, Schneider Electric, Vertiv ou Danfoss. Ensemble, nous partageons une ambition commune : accélérer la transition vers des data centers zéro carbone en Europe.
Avec ce démonstrateur bio-circulaire, nous ne faisons pas que tester une innovation technologique. Nous posons les bases d’un nouveau modèle pour les infrastructures numériques : plus responsables, plus intelligentes, et pleinement intégrées à leur environnement. Sur notre campus de Marcoussis, ce modèle est désormais une réalité. Et demain, il pourrait bien inspirer une nouvelle génération de data centers à l’échelle européenne.
